Un voleur et son ami
Après l'arrivée de Mélanie, nous avons passé quelques jours à Arusha afin de compléter l'aménagement du camion et faire les derniers achats. À l'endroit où nous restions, il y avait une enceinte clôturée et un gardien de sécurité qui surveillait les lieux. Sachant cela, nous étions sûrs de pouvoir travailler sur le véhicule sans se soucier des voleurs.
Nous avons donc sorti tout l'équipement du camion afin d'en faire un inventaire et surtout de le placer dans les casiers sous le lit. Avec tout l'équipement à l'extérieur, nous étions alertes à tous intrus pouvant entrer dans l'enceinte où nous travaillions. En fin de matinée, un jeune homme est venu me voir pour me demander de l'eau. Immédiatement, j'ai flairé la magouille et je lui ai dit qu'il n'avait pas de raison de se trouver ici. Avec les problèmes de langage inhérent à ce type de voyage, je lui ai pointé le gardien de sécurité pour qu'il lui demande de l'eau. Je l'ai surveillé jusqu'à ce qu'il commence à parler à un employé de la place. À ce moment-là, je me suis dit que le gardien de sécurité ou un autre employé allait lui donner de l'eau et l'escorterait à la sortie, ou du moins, le surveillerait un peu plus. Bref, le type est sorti de mon esprit et Mélanie et moi avons poursuivi notre aménagement.
Plus tard dans l'après-midi, Mélanie s'aperçoit qu'il lui manque un petit sac noir. Après une recherche intensive dans tous les recoins du véhicule et sur le terrain où nous avions étalé l'équipement, il fallait bien conclure que le sac avait été volé. Mélanie, quelques mois auparavant, s'était fait voler ce même sac en Espagne (en fait, la voiture qu'elle avait louée s'est fait ouvrir quatre fois). Comme en Espagne, le sac volé ne contenait pas d'argent, de caméra ou de carte de crédit, mais des items aussi importants tels les médicaments contre la malaria et autres effets très personnels; tous ces produits ont peu de valeur pour le voleur, mais sont très importants pour un voyageur. Les médicaments sur prescription sont très difficiles à remplacer, car on ne les trouve pas facilement en Afrique et la qualité peut laisser à désirer. Évidemment, Mélanie était très choquée de se faire voler une fois de plus son sac personnel. Nous étions choqués après le voleur pour avoir pris ce sac et aussi après nous-mêmes pour ne pas avoir fermé la porte avant...
Nous parlons de l'incident avec les employés de la place et ils nous disent qu'ils vont regarder les caméras de surveillance dès que possible. Étant en Afrique, nous ne croyons pas que les caméras auraient capté quelque chose d'importance. Nous ne croyons même pas que les caméras aient fonctionné. On le saura le lendemain seulement, car le personnel pouvant faire fonctionner le système vidéo n'est pas sur place.
Le lendemain, sœur Rosa (une religieuse) nous invite à regarder la vidéo de surveillance et à notre grande surprise, les caméras ont fonctionné et capté le voleur en pleine action. Malheureusement, on ne distingue pas assez le visage du voleur pour que quelqu'un puisse l'identifier. On se rend compte que le voleur, après avoir demandé de l'eau aux gens sur place, a passé plus d'une heure à surveiller le camion et nos moindres gestes. Au bon moment, il est allé vers le camion et a volé le sac de Mélanie.
Pendant que nous regardions la vidéo, sœur Rosa peste contre le voleur et nous dit qu'elle aurait aimé avoir un révolver. Mélanie et moi, nous nous regardons un peu surpris. Puis on regarde la religieuse d'un air un peu ahuri. Elle nous dit qu'elle ne l'aurait pas tué, mais juste tirer dans les jambes et elle en rit. Les voleurs en Tanzanie (et en Afrique) peuvent être traités de façon très brutale par la foule s'ils sont pris sur le fait. Ils peuvent être battus à mort dans certains cas. Alors, une balle dans les jambes est probablement plus 'gentil' que les autres options.
La journée suivante, ne pouvant pas identifier le voleur, nous pensons à aller faire une promenade dans le voisinage afin de voir si le sac s'y trouverait. L'idée est qu'un voleur, ne trouvant pas de caméra ou d'argent dans le sac, pourrait avoir jeté le sac et les médicaments sur le bord du chemin. Nous faisons une petite tournée des lieux avec Joseph, un des employés de la place. Évidemment, nous ne trouvons rien et revenons après 15-20 minutes de marche. Au retour, nous rencontrons le type chargé de la sécurité et l'on nous dit qu'ils vont travailler là-dessus. On ne se fait pas d'illusion et nous sommes certains que le sac est définitivement perdu. Mais, après une dizaine de minutes, sœur Rosa vient nous voir et nous demande, curieusement, quels sont nos noms complets...
Nous donnons nos noms et elle nous donne un portefeuille avec une carte de crédit à mon nom et une carte au nom de Mélanie. Ce sont des cartes expirées que nous avons dans un faux porte-monnaie lorsque nous allons sur la rue dans un endroit incertain. Surpris de voir ce porte-monnaie, on se rend compte qu'un jeune gars est venu le porter aux gens de la place. L'homme responsable de la sécurité se met à lui poser des questions à propos de ce qui s'est passé. Le jeune homme raconte que la veille il a vu un homme courir avec un sac et qu'il semblait louche. Courant après lui et lui disant de s'arrêter, il réussit à récupérer ce faux porte-monnaie que le voleur aurait laissé tomber. Mélanie et moi le félicitons de son action et sommes heureux de l'effort qu'il a fait. Le gars de la sécurité continue de lui poser des questions et il nous semble que le jeune doive répéter souvent son histoire. Ça se passe en swahili, alors on ne comprend pas vraiment. Par contre, après un long moment, le gars de sécurité empoigne le jeune homme par l'épaule et le lance sur le sol (il n'est pas doux). Il le fouille et il trouve un autre truc qui appartenait à Mélanie (un baume à lèvres acheté en Espagne). À partir de ce moment, nous sommes un peu perplexes et disons au gars de sécurité qu'il n'est pas le voleur (rappelez-vous qu'il nous a demandé de l'eau la veille, donc nous avions vu son visage). D'autres gens de la sécurité et quelques employés viennent se mêler à la commotion qui s'en suit. Mélanie dit clairement au gars de sécurité que ce n'est pas le voleur et ce dernier nous indique qu'il a bien compris ce que nous disons, mais en même temps qu'on devait le laisser faire...
Si ce n'est pas le voleur, qui est-il? Comme je vous disais, les voleurs sont traités assez durement en Afrique. Après s'être fait frapper et lancer au sol à plusieurs reprises, son histoire a commencé à changer. Pendant ce temps, nous trouvions ça assez dur (surtout Mélanie, qui se sentait très mal) de voir le gars se faire tapocher, surtout que nous pensions qu'il pouvait s'agir d'une erreur. Mais bon, nous sommes dans une culture étrangère avec des gens qui savent ce qu'ils font (les gens de sécurité), et sœur Rosa nous dit de les laisser faire leur travail. En plus, le jeune homme nous supplie de l'aider et nous dit qu'il n'est pas coupable. Je veux juste mentionner que même s'il se fait battre, le jeune homme n'est pas au sang ou en train de mourir. Il encaisse les coups de façon assez surprenante et n'aura pas de lésions quelconques, mais probablement de bonnes ecchymoses.
Après une heure ou deux et l'intervention de la police, le jeune homme finit par dire où le sac se trouve et la police se rend sur les lieux (nous restons sur place avec sœur Rosa). Le jeune homme était un ami du voleur et est venu nous voir dans l'espoir d'obtenir une récompense pour avoir rapporté le portefeuille. Il ne savait sans doute pas que ce dernier contenait des documents expirés. Lorsqu'il nous a vus marcher autour de l'enceinte où nous demeurons, il a sans doute eu l'idée d'essayer cette arnaque. Quand on y pense, c'était louche. Pourquoi venir le lendemain s'il a trouvé le porte-monnaie la veille? Pourquoi garder un article dans ses poches (le baume à lèvres)? Pourquoi dire qu'il était un professeur d'anglais quand visiblement il était vêtu comme quelqu'un de plus pauvre qu'un professeur?
Au retour de la police, le sac est retourné avec presque tous les médicaments. Il ne manque que des boucles d'oreilles et autres items sans trop de valeur. Les médicaments de prescriptions sont tous présents et ils n'étaient pas endommagés ou souillés.
Par la suite, nous allons au poste de police. Nous attendons que la paperasse soit remplie à un comptoir et pendant ce temps l'ami du voleur se fait fouiller et mettre en prison à seulement 1-2 mètres de nous. On voit même deux autres personnes se faire fouiller et mettre en prison. Le jeune homme nous demande une dernière fois de l'aider. Une expérience étrange de voir ça devant nos yeux.
L'histoire finit quand même assez bien. Mélanie a récupéré tous ces médicaments importants. En fait, cette histoire n'est pas tout à fait terminée...
Le lendemain, la mère du jeune homme vient nous voir. On ne comprend pas trop ce qui se passe et sœur Rosa nous demande si nous voulons laisser tomber le cas (la plainte?). Nous acceptons sans trop savoir ce qui va se passer par la suite. Plus tard, pour le lunch, nous allons dans un petit resto local et nous revoyons la mère qui y travaille. Elle nous sert comme si de rien n'était. On ne sait pas ce qui est advenu du jeune homme. Est-il resté en prison?